COLLOQUE INTERNATIONAL POUVOIR DES MOTS – MOTS DU POUVOIR

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COLLOQUE INTERNATIONAL
POUVOIR DES MOTS – MOTS DU POUVOIR

Pécs (Hongrie), les 21, 22 et 23 mars

organisé par le Laboratoire des langues romanes du Comité régional de l’Académie des Sciences

Ce colloque international qui réunira à Pécs les chercheurs venus d’horizons divers dans un travail commun tout en respectant la spécificité d’approche de chaque intervenant, sera consacré aux interrogations sur les capacités d’ordre différent des mots, qui se traduisent souvent en termes d’effet, influence, force, autorité, agression, violence, séduction, contrainte, etc. Nous nous interrogerons aussi sur les manifestations diverses des mots du pouvoir dans leurs rapports avec le statut social des énonciateurs et des acteurs. Le discours politique se prête bien à la lutte verbale, nous souhaitons cependant bénéficier de la confrontation de visions divergentes ou complémentaires dans le domaine de la linguistique, de la littérature française et francophone, de la traduction, de la didactique, etc. À titre d’exemples, voici quelques pistes possibles de réflexion :

Depuis Austin, de nombreux travaux pragmatiques ont montré que la langue peut être aussi caractérisée par de divers actes que son emploi permet d’accomplir exerçant ainsi un effet sur le monde et sur autrui. Or, certains questionnements ont été passés sous silence du fait que les unités de base étaient des énonciations et non pas des mots. Cet effet comment s’observerait-il ? Conviendrait-il d’associer cette influence au concept de pouvoir ? L’engagement viendrait-il de la force des mots ou inversement, ce sont certains mots qui impliquent l’engagement ? Dans une autre perspective, la question du comportement autoritaire pourrait être également posée afin de repérer un tel comportement à travers les discours qui ont tendance à imposer des idées par la force plus que par le processus démocratique. Cette question implique une réflexion sur la manière dont les énonciateurs font autorité ou s’autorisent eux-mêmes sous le couvert d’une instance supérieure d’une institution aussi bien qu’en dehors d’elle. Nous serions intéressés à voir des enjeux auxquels certains mots peuvent être mêlés aussi bien que des formes sous lesquelles un engagement social risque d’imprégner une réflexion relative aux usages des mots.

 

 Les approches sociolinguistiques appuyées sur les résultats ethnologiques et anthropologiques pourraient mettre en évidence, sur le plan des comportements dits rationnels, la magie des mots, à partir des tabous jusqu’aux superstitions sans exclure les euphémismes afin de mettre en perspective les rapports que les discours entretiennent avec les pratiques sociales. Au coeur de la rationalité moderne se développerait-elle une culture de la communication qui donne lieu à des manifestions relevant des excès de l’imagination ? Il faudrait alors saisir d’où vient la force d’un énoncé magique dans nos sociétés contemporaines qui, participant désormais d’une critique de l’irrationnel pourraient ouvrir un espace apte à accueillir ces phénomènes ou leur représentation.

Si certains discours retiennent notre attention c’est souvent en raison de la manière dont ils sont présentés : ils sont remarquablement réussis. Les recherches de l’analyse du discours et de la linguistique textuelle ont montré que certains discours/textes sont plus efficaces que d’autres non seulement du point de vue de la persuasion, mais aussi, comme c’est le cas, par exemple, pour les discours scientifiques, du point de vue de la construction d’une légitimité. Qu’y a-t-il à l’origine de cette efficacité ? Suffirait-il de dire que ce sont le choix des mots adéquats et l’organisation même qui l’assurent ? Sous quelles conditions peut-on être en mesure d’utiliser efficacement les mots ? La légitimation, à quel moment intervient-elle ? Nous tenterons de répondre à ces questions en dégageant la logique de la dominance aussi bien que celle de l’adhésion, et en insistant sur le rôle de la parole émise dans la mise en conflit des intérêts individuels et sociaux.

 

 La réthorique moderne a souvent recours aux anciens concepts tels que ethos, pathos, eris en insistant ainsi sur la force manipulatoire de la parole. Dans certaines formes discursives la manipulation peut être poussée à l’extrême et produire un effet de violence. L’échange violent met en jeu des rapports de forces mais on voudrait aussi creuser l’étude des rapports de forcese dévoilant dans l’échange qualifié de non violent. On ne peut certes pas dire sans réserve que celui qui énonce domine indépendemment de son statut social. Néanmoins, l’effet de violence n’est pas toujours fonction de l’expression de la différence sociale mais peut, par exemple, provenir d’un certain type de gestion des tours de parole. Rester évasif dans une conversation risque de provoquer l’effet de violence au même titre que l’emploi des mots d’insulte et d’injure.

On peut concevoir la parole comme une manipulation, sans pour autant introduire une connotation nécessairement négative, dans un cadre général dans lequel le sens n’est pas une entité préfrabriquée mais est le résultat d’une construction. Quels sont alors les rapports entre manipulation et construction pertinents pour la description de la signification linguistique ? Si on peut observer une force contraignante des mots dans des discours, nous serions intéressés à voir la manière dont les théories linguistiques arrivent à en rendre compte.

Dans le domaine de la sémantique lexicale, il serait révélateur, du point de vue de la description linguistique, de repérer un ensemble de mots dont la signification comprend une allusion à la force ou au pouvoir de la parole.

 

La thématique du colloque se prête magistralement à un dialogue tout en interpellant les littéraires qui connaissent bien, depuis Mallarmé, les enjeux du pouvoir « incantatoire » ou évocatoire des mots. Certains des arts poétiques de notre époque contemporaine semblent poursuivre cet héritage. Ce pouvoir que devient-il au sein des récits de fiction ? La création serait-elle un pouvoir d’ordre non linguistique ? Étudier leur interaction nous enseignerait certainement d’inédit.

L’observation de certaines régularités des discours littéraires mais aussi des discours politique, didactique, religieux, etc. pourrait contribuer à dégager un ensemble de facteurs sur la base desquels la parole exerce un effet positif ou négatif sur les interlocuteurs.

Sur le plan épistémologique, nous souhaiterions voir comment s’articulent, dans les sciences du langage, les différentes dimensions – théorique, pratique, sociale – de l’étude des mots et de leurs usages. Les travaux des grammairiens, linguistes, lexicologues ne sont-ils pas parfois utilisés à des fins sociales et politiques ? Le fait d’être utilisé n’impliquerait-il pas un certain pouvoir ?

Voilà quelques exemples de questions sur lesquelles nous demandons aux participants de réfléchir, en les invitant, éventuellement, à compléter la liste par celles de leurs problématiques et préoccupations scientifiques relatives aux rapports entre mots et pouvoir.

 

les organisateurs

Zsuzsa Simonffy et Márta Kóbor

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