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La fontaine, le cristal et le miroir, ou les auteurs du Roman de la Rose revisités
« Cil mireors m’a deceü. »
Souvent il y a dans les jardins littéraires une fontaine. Elle cumule le plus souvent la beauté d’un endroit aussi idéal que peut l’être en soi un jardin. La symbolique en est simple : au milieu de la verdure, l’eau, source de la vie qui coule ou jaillit, ne peut être incontournablement que présente ou centrale.
Le rôle de noyau que joue la fontaine dans le jardin est reflété avec exactitude dans la structure des événements, des discours, des péripéties ou leurs semblants qui constituent le fil du Roman de la Rose
, qu’il s’agisse de la partie rédigée par Guillaume de Lorris ou de celle de Jean de Meun. Car la présentation du jardin ou plus précisément de la fontaine dans le jardin se situe dans les deux cas à un moment crucial. Pour Guillaume de Lorris, dans ce jardin où l’éternité, l’immobilité ont leur place définitive, le désir et le temps font irruption à travers la vision de l’amant dans la fontaine1. Plus concrètement, l’amant trouve dans le jardin une fontaine qui s’avère être la fontaine de Narcisse. Suit le mythe de Narcisse, ainsi que la vision, par l’amant, de deux cristaux incrustés dans la partie inférieure de la fontaine. Il voit les roses du jardin réfléchies dans les cristaux et se dirige vers un des boutons d’une très grande beauté (vers 1422-16592). C’est donc après cet événement précis de la vision miroitée que naît l’amour. Chez Jean de Meun, un schéma tout autre apparaît : la présentation du jardin est incorporée dans un discours, celui de Génius qui incarne des propos intéressants, se référant explicitement et par contrepoint au jardin de Guillaume et à ses composantes.
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