L’héritage classique dans le langage juridique français > 255
I. Caractéristiques générales du langage juridique
Parmi les langues de spécialité, le langage juridique est peut-être celui qui
est resté le plus proche du latin et en a gardé des traces aussi bien dans ses
concepts que dans son vocabulaire. Cette situation s’explique par le fait que la
justice au Moyen Âge et jusqu’au XVIe siècle se rend en latin, et que jusqu’au
XIIe siècle à plu près, quand apparaissent les premiers textes juridiques écrits
dans la procédure des parlements royaux, elle se pratique oralement. D’ailleurs,
de l’antériorité de la parole en droit témoignent de nombreuses expressions et
mots de base :
juridiction [= jurisdiction : action de « dire » la justice]
audience [= audient a : action « d’entendre »]
audition des parties ; faire appel ; la cour « se prononce » sur l’affaire ; etc.
Le latin restait la langue du droit jusqu’à la promulgation, le 15 août 1539,
de l’ordonnance de Villers-Cotterêts dont l’objectif essentiel était de rendre la
justice accessible au niveau de la compréhension. Dès le XIIIe siècle, les
notaires royaux écrivaient en français et entre les XIVe et XVe siècles le français
s’est petit à petit imposé comme langue administrative. L’ordonnance n’a fait
qu’étayer ce mouvement. À partir de cette date-là, tous les actes judiciaires et
notariés devaient être rédigés en français et non plus en latin. Évidemment il ne
s’agissait pas d’un acte généreux de la part du pouvoir royal pour faire plaisir
aux sujets et aux justiciables : par l’unification de la langue, de la justice et de
l’administration le roi pouvait renforcer le pouvoir royal et l’unité du royaume.
D’ailleurs, l’ordonnance s’inscrit dans une suite de décisions royales
remplaçant progressivement le latin par les langues maternelles dans les actes
du droit. L’ordonnance de Montils-lès-Tours, promulguée en 1454 par
Charles VII prescrivait l’obligation de rédiger les coutumes orales, qui tenaient
lieu de droit, en langues vulgaires.
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