Imre VÖRÖS, Jardins, forêts et paysages dans les romans de Marivaux > 219
Dans sa monographie magistrale sur l’esthétique de Marivaux, Michel Gilot
constate qu’au cours d’une carrière de près de cinquante ans, « en découvrant sa
propre manière, Marivaux a présenté des visages bien différents ». Mais en même
temps, Gilot attire l’attention sur « la cohérence d’ensemble » de la pensée de
l’auteur : « telle idée qui ne fait que percer dans tel texte de jeunesse prend tout son
retentissement dans ses oeuvres de maturité ». À la base des textes les plus
importants, il est donc possible « de se livrer à un inventaire sommaire de
l’esthétique générale de Marivaux ».
Évidemment, l’objectif de notre étude, ne serait-ce qu’à cause de son cadre
restreint, est beaucoup plus modeste : nous envisageons d’analyser la fonction du
motif des jardins, des forêts et de celui des paysages dans la structure des oeuvres
romanesques, dès les premiers romans de jeunesse de Marivaux jusqu’à ses chefs-
d’oeuvre, La Vie de Marianne et Le Paysan parvenu. Il sera peut-être intéressant
d’examiner comment le romancier arrive à réinterpréter les mêmes motifs dans ses
oeuvres ultérieures.
Marivaux a fait son entrée dans la vie littéraire au début des années 1710 par Les
Aventures de *, ou Les Effets surprenants de la sympathie. C’est un roman baroque
dans lequel l’auteur rejette les « lois stériles de l’art » (p. 3), c’est-à-dire tout ce qui
risquerait de borner la richesse de l’action et l’épanouissement des mouvements du
coeur. Les aventures interminables se multiplient, et de nouveaux personnages
surgissent constamment pour raconter leur vie mouvementée, pleine de voyages,
d’enlèvements, de tortures et de rencontres inattendues. Les « méandres » du récit,
écrit Estelle Doudet, ne sont pas « utiles à l’économie narrative, mais [ils sont]
adaptés aux débordements indispensables d’une invention qui ne veut pas choisir
entre les différentes pistes qui lui sont offertes ». Dans le roman baroque, ces
histoires extraordinaires ou tragiques « forment une tradition dès le XVIIe siècle »,
tout comme certains éléments conventionnels du récit : selon Frédéric Deloffre, « à
l’époque où écrit Marivaux, les écrivains puisent en effet leurs images dans un
‘stock’ tout fait et limité en principe à un genre défini ».
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