Márton NARAY-SZABÓ

Márton NARAY-SZABÓ, Formes du non-dit dans les énoncés liés > 49

 

1. Énoncés liés : définition et propriétés

La linguistique générale, en particulier la pragmatique doit beaucoup à Iván

Fónagy. C’est lui qui a défini, entre autres, la notion d’énoncé lié. Ses exemples

témoignent d’une grande richesse tant en anglais qu’en français, souvent mis en

contraste avec leurs contreparties hongroises. Il définit ces énoncés comme

« directement et globalement liés à une situation » (Fónagy, 1982 : 4).

Directement, car on les prononce au moment même où la situation se produit, et

globalement, car l’énoncé est indécomposable sémantiquement et

pragmatiquement. Ils sont donc des réactions verbales habituelles données face

à une situation de communication, dans une langue donnée. À cela ajoutons que

ces expressions, en tant que telles, réalisent, par définition, un acte de langage

performatif aussi, notamment illocutoire ou perlocutoire. Autrement dit, si l’on

réagit dans une situation de dialogue face à un événement courant dans la vie

quotidienne, il semble plus rare de vouloir se borner à un simple constat. Il y a

bien plus de chances qu’on souhaite exprimer une réaction plus directe, telle

qu’une appréciation, positive (C’est le pied !) ou négative (Ça ne casse pas la

baraque !), la confirmation ou l’infirmation de ce qui vient d’être dit (Et

comment ! ; Tu penses !), des sentiments (Ah bon ! ; Mais je rêve !), etc.

Parmi les propriétés de ces expressions, mentionnons qu’elles constituent en

général

• des phrases simples (On ne sait jamais ! ; Tu en a de bonnes !),

• parfois complexes (J’en ai rien à cirer ! (refus) ; Ça va comme un lundi !

(satisfaction modérée)),

• mais bien souvent elliptiques (La belle affaire ! (minimisation) ; Sans

blague ! ; Ah bon !).

Pragmatiquement parlant, ils constituent soit des actes illocutoires (Tu me la

copieras (celle-là ! (indignation)), soit des actes dialogiques, qui organisent le

discours (Change de disque ! (‘Change de sujet.’) ; Vous pouvez disposer !

(congédier qn)), ou donnent des feed-back (Ça t’en bouche un coin ? (intention

de surprendre) ; Vous dites ? (l’incompréhension)). Il importe également de

faire la distinction entre les types de source de l’énoncé : ainsi, on peut parler

d’évaluatives (Il n'y a que ça ! (appréciation)), de situationnelles (Nous y

sommes ! (soulagement)), de réactives (réagissant aux propos de

l’interlocuteur : J'en ai autant à ton service ! (en réponse à une injure)), ou de

métacommunicatives (Ma foi ! (serment) ; ... si j’ose dire, ... (atténuation)).

Nous avons démontré dans une autre étude (Náray-Szabó, 2008) que ces classes

pragmatiquement établies diffèrent également au niveau de leurs propriétés

syntaxiques (emploi des temps, insertion, etc.), ce qui prouve indéniablement

qu’elles constituent des catégories linguistiques (et non psychologiques).

Notons enfin que pas toutes sont sémantiquement opaques, mais la noncompositionnalité

existe : Tu me la copieras (celle-là) !, Change de disque !,

Ça t’en bouche un coin ?

 

Pour lire la suite de cet article, veuillez consulter le document pdf ci-dessous.

 

 

PDF download: