Sándor KISS, Le signifié poétique du silence dans les Fleurs du Mal > 173
Le « silence » dans les Fleurs du Mal constitue un domaine poétique qui
s’offre moins immédiatement à nous que le couple « lumière » / « obscurité »
ou l’opposition spatiale et symbolique entre « haut » et « bas ». Toutefois, c’est
un domaine dont on peut indiquer la place dans l’univers poétique de
Baudelaire, en précisant les liens par lesquels le concept du silence se rattache à
d’autres concepts et à différents réseaux sémantiques dans l’oeuvre et en
montrant la gamme des significations que peuvent véhiculer, dans le texte des
poèmes, les termes appartenant au champ sémantique en question. En effet,
nous devons préciser que dans ce qui suit, « silence » n’est pas seulement un
lexème – déjà riche de connotations en tant que tel –, mais aussi le nom d’un
champ conceptuel qu’il nous est permis de situer en français grâce à l’existence
de silence, silencieux, muet, calme (substantif et adjectif), se taire, entre
autres.
Nous chercherons la réponse à ces différentes questions en deux étapes.
Nous nous demanderons d’abord comment Baudelaire parle du silence – c’està-
dire dans quels contextes, à propos de quelles autres thématiques, dans
quelles structures linguistiques il évoque l’absence de bruit ou l’absence de
paroles, ce vide auditif, qui semble correspondre pour les locuteurs ordinaires –
selon le témoignage des définitions de dictionnaires par exemple, comportant
toujours une marque de négativité – à une expérience de manque, à
l’interruption du flux sonore normal. Nous changerons ensuite de point de vue,
pour cerner l’usage proprement poétique et comme transposé que fait
Baudelaire de ce champ « négatif » : en effet, le silence peut se transmuer dans
ses poèmes en un nouveau point de départ, « positif », germe d’un langage neuf
et inouï jusque-là, celui des « choses muettes ».
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