Mária PALLAI

Mária PALLAI, La reconnaissance dans En attendant Godot de Beckett > 225

 

Au premier égard, l’interprétation du terme de reconnaissance, mot courant

dans le langage quotidien, ne semble pas poser de problème : la reconnaissance

est « l’acte de juger qu’un objet a été déjà connu » ou, autrement, « processus,

par lequel une représentation mentale actuelle est reconnue comme trace du

passé ». Or, son utilisation en tant que terme technique littéraire demande

quelques précisions au préalable. Souriau le rapproche d’agnition et

d’anagnorise, termes de la dramaturgie classique. En parlant de l’anagnorise, il

renvoie à la Poétique d’Aristote où le terme est défini en tant que « passage de

l’ignorance à la connaissance, un changement ou vers l’amitié, ou vers la

haine, de ceux qui sont soumis au bonheur ou au malheur ». Or, la traduction

de Michel Magnien donne le mot « reconnaissance » en ce même endroit de la

Poétique : « La reconnaissance – son nom même l’indique – est le

retournement qui conduit de l’ignorance à la connaissance… ». (Aristote,

ch. XI, p. 120) Pour Souriau, le sens de reconnaissance est interprété comme

« révélation portant sur l’identité du personnage », ce qui serait en fait une

des significations propres d’agnition, troisième terme du trio synonymique.

En ce qui nous concerne, nous prenons, ici, le terme de reconnaissance dans

un sens élargi, qui veut dire non seulement révélation de l’identité d’un

personnage, mais aussi d’autres types de révélations d’une vérité modifiant les

relations interpersonnelles et/ou transformant profondément la situation

dramatique. Nous partons de l’hypothèse que, relativement à une pièce du

« nouveau théâtre » des années 1950, l’examen du phénomène de la

reconnaissance, dont les origines remontent en France à la dramaturgie

classique, est susceptible de nous offrir l’occasion de faire d’intéressantes

observations sur certains traits caractéristiques de la nouvelle dramaturgie du

XXe siècle. Cela nous permet en même temps de nous interroger sur la manière

dont la reconnaissance en tant que procédé dramaturgique peut s’intégrer dans

l’univers particulier d’un des chefs-d’oeuvre de la littérature dramatique du XXe

siècle, en l’occurrence le Godot de Beckett.

 

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