VARIA

Tivadar GORILOVICS, Pompiers, tziganes et compagnie > 201


Pour nous autres Hongrois, le traducteur, un bon traducteur, est un jardinier

qui sait d’expérience dans quelles conditions on peut « transplanter »

(átültetni) un texte d’une langue étrangère en la nôtre, comme on fait sortir un

végétal de son terroir d’origine pour le replanter ailleurs. Cette métaphore de la

transplantation au sens de traduction, met parfaitement en évidence l’absolue

nécessité pour le traducteur de tenir compte des propriétés du terroir récepteur,

ce que Aron Kibédi Varga appelle la pragmatique de la traduction, où on a

affaire à « deux contextes culturels différents, deux actants autour d’une seule

oeuvre (l’auteur et le traducteur), mais un seul public, celui de la langue dans

laquelle l’oeuvre a été traduite ». D’où l’exigence d’une double compétence, à

la fois linguistique et culturelle, et qui pose précisément de sérieux problèmes

aux traducteurs d’oeuvres littéraires et, en particulier, poétiques, qui ne

connaissent pas la langue-source ni les contenus culturels qu’elle véhicule

depuis parfois des siècles.

« Dans la traduction, disait Goethe, cité par György Somlyó2, il faut pousser

jusqu’à l’intraduisible, car c’est seulement là que l’on parvient à percevoir la

nation étrangère et la langue étrangère. » L’intraduisible est bien ce redoutable

récif que le traducteur-navigateur, pour arriver à bon port, doit à la fois

reconnaître et contourner, ce qui est tout le contraire de l’ignorance qui mène

inévitablement aux naufrages. Pour le commerce des ouvrages de l’esprit,

comme pour le commerce tout court, navigare necesse est. Le problème qui se

pose est, en dernier ressort, celui de la traductibilité, et même si on admet la

thèse de Paul Ricoeur, à savoir que « les langues ne sont pas étrangères les unes

aux autres au point d’être radicalement intraduisibles » et que, par conséquent,

« il n’y a pas d’intraduisible absolu », la traduction créant « du comparable

entre des incomparables », la pratique de la traduction ne laisse pas de la

nuancer en y apportant quelques correctifs.

 

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