Dávid SZABÓ, Dictionnaire de spécialité - dictionnaire général : Le problème des équivalents dans un dictionnaire d'argot bilingue > 127
0. Malgré les efforts d’on ne sait combien de linguistes, la définition et la
distinction des registres et variétés non conventionnels – argot, français familier
ou populaire, jargon – continue de poser problème aux lexicographes. Alors que
l’enjeu est essentiellement théorique pour le linguiste, qui dispose notamment de
critères fonctionnels ou sociologiques pour opérer une distinction, le lexicographe
est, le plus souvent, obligé de prendre des décisions dans des cas concrets sans
avoir recours aux résultats d’enquêtes sociolinguistiques d’une envergure
suffisamment importante. Cette communication se propose d’examiner certaines
conséquences de ce problème, relatives au choix des équivalents, en comparant
le point de vue de l’auteur d’un dictionnaire spécialisé avec celui de l’auteur
d’un dictionnaire de type général.
1. D’un point de vue théorique, nous disposons depuis longtemps de
définitions bien élaborées pour les différents registres et variétés non standard.
Le familier est le résultat d’un laisser-aller, sans nuance péjorative, en matière
de langage ; le populaire, terme peu satisfaisant, correspond à l’usage urbain
spécifique aux couches situées en bas de l’échelle socio-économique et
culturelle ; le jargon est un langage technique non conventionnel caractérisé
essentiellement par la fonction économique, alors que les argots sont des
variétés liées à des groupes ou couches plus ou moins clos, qui, grâce à leurs
fonctions crypto-ludique, conniventielle et identitaire, permettent aux locuteurs
d’afficher leur appartenance au groupe et de se distinguer des non-initiés. (voir Szabó, 2004 : 58-60).
Néanmoins, toutes ces variétés supposent des situations de communication de ton familier,
et dans la pratique, la limite peut être plutôt floue entre familier, populaire et argotique
(surtout en ce qui concerne l’argot commun, les argotismes sortis du lexique des micro-groupes
qui les ont créés – voir François-Geiger, 1989 : 27, Szabó, 2004 : 38-41),
sans oublier les glissements fonctionnels toujours possibles entre jargon et
argot (cf. François-Geiger, 1991 : 7 et Sourdot, 1991 : 23). Certains
lexicographes essaient de remédier à cette situation en adoptant une terminologie
suffisamment souple. Citons à titre d’exemple Cellard et Rey qui optent pour le
terme français non conventionnel (Cellard, Rey, 1991) ou Colin qui pour la
nouvelle édition de Colin et. al, 1990, choisit – à l’instar de nombreux
lexicographes – le titre Argot & français populaire (Colin et al., 2006).
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