Gillian LANE-MERCIER, De la tranquillité à l'intranquillité - traduire le joual romanesque > 155
Cet article propose un aperçu des enjeux stylistiques, politiques et éthiques
– au sens des rapports du soi à l’autre – soulevés par les principales stratégies
mobilisées pour traduire le joual romanesque en anglais. Quelques précisions
d’ordre très général permettront de situer le propos. Le joual romanesque,
tel qu’il sera défini ci-dessous, correspond à une période relativement
circonscrite de l’histoire littéraire québécoise, celle qui va de 1964 à 1974.
Il figure dans vingt-huit romans publiés au cours de cette période, dont sept ont
paru aux Éditions Parti pris entre 1964 et 1968, tandis que seize ont été publiés
aux Éditions du jour entre 1967 et 1974. Sur les vingt-huit romans, douze ont
été traduits en anglais entre 1964 et 1984. Fait intéressant : une seule de ces
traductions a pour texte-source un roman publié aux Éditions Parti pris,
soit Le cassé de Jacques Renaud, paru en 1964. Non seulement ce roman est le
premier à avoir été traduit en anglais, il est également l’un des deux romans
contenant du joual romanesque à avoir été retraduit. Publiée en 1984,
cette retraduction du Cassé marque la fin du cycle des traductions anglaises de
la période considérée.
Si le nombre somme toute assez modeste de traductions anglaises de romans
québécois joualisants s’explique de prime abord par les difficultés que ce
dernier pose aux traducteurs littéraires en général et aux traducteurs
anglophones en particulier, il reste que la quasi-absence de traductions de
romans publiés aux Éditions Parti pris laisse a priori perplexe. D’où une
première question : comment interpréter cette préférence marquée de la part des
traducteurs anglo-canadiens ? Si les causes sont complexes, en revanche,
les effets sont clairs : privilégier les romans post-partipristes revenait à occulter
le mouvement littéraire et politique le plus radical de la Révolution tranquille
auquel Parti pris était associé, au profit d’une vision autrement plus
« tranquille », partant plus « acceptable » pour le lectorat anglophone, de la
société québécoise des années 60 et 70. Voici notre première hypothèse de
départ.
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