LA FRANCOPHONIE EN QUESTION

Lise GAUVIN, Jeux et enjeux dans le roman québécois et francophone contemporain > 13


Quelques mises au point
Un certain malaise s’est exprimé en 2007 avec la publication du manifeste
intitulé « Pour une littérature-monde en français » dans le journal Le Monde
(16 mars). On y sonnait le glas de la francophonie entendue comme le « dernier
avatar du colonialisme français » et on annonçait l’avènement d’une littératuremonde
en français « dont le centre est désormais partout, aux quatre coins du
monde ». Co-rédigé par Jean Rouaud, romancier récipiendaire du prix Goncourt
pour Les champs d’honneur et par Michel LeBris, directeur du festival
Étonnants voyageurs de Saint-Malo, et co-signé par 44 écrivains, parmi
lesquels Jacques Godbout, Wajdi Mouawad, Dany Laferrière et Nancy Huston,
écrivains du Québec et du Canada publiés en France, ce manifeste mettait en
évidence l’ambiguïté que recouvre le terme de francophonie lorsqu’il s’agit
d’appliquer à la littérature un concept de nature d’abord politique.
Alors qu’au printemps 2006, à l’occasion du Salon du livre de Paris qui leur
était consacré, des écrivains francophones se disaient marginalisés dans
l’institution littéraire française bien que publiés par des maisons d’édition
parisiennes, les prix littéraires de l’automne semblaient avoir changé la donne,
puisque cinq sur sept de ces prix avaient été attribués à des auteurs « venus
d’ailleurs ». D’où la nécessité, pour plusieurs écrivains, de recomposer avec des
notions plus englobantes la scène de l’écriture « en français ».
On ne peut qu’applaudir à ce souci de décloisonnement et de relations
égalitaires entre les diverses littératures de langue française dont on souligne à
juste titre l’ « effervescence romanesque ».

On ne peut qu’être d’accord avec les auteurs du manifeste pour dire que Réjean Ducharme est un des plus grands
romanciers contemporains. Qu’être d’accord également avec ce concept de
« littérature-monde », qui fait écho au Tout-Monde cher à Édouard Glissant et qui
permet de regrouper le vaste ensemble de l’écriture en français, signalant par le
fait même l’autonomisation de la langue et du littéraire. Mais quelques questions
soulevées par le manifeste restent en suspens, auxquelles l’ouvrage collectif
rédigé par 27 écrivains, Pour une littérature-monde (LeBris-Rouaud, 2007),
apporte des éléments de réponse, mais suscite également de nouvelles
interrogations.

 

Pour lire la suite de l'article, veuillez consulter le document pdf ci-dessous.

PDF download: