LE LEXIQUE EN QUESTION

Denis SAINT-AMAND, Les miscellanées de Jacques Plowert ou le lexique comme style > 179


Le choix de développer une singularité lexicale constitue l’une des options

esthétiques les plus efficaces en littérature et les plus aisément accessibles à

l’écrivain désireux de forcer le pôle récepteur à souligner l’identité spécifique

de son oeuvre. Pour le dire autrement, le vocabulaire mobilisé par un auteur

dans sa production, que l’effet de distinction qu’il produit ou ne produit pas soit

voulu ou non, est l’une des prises idéales sur la relation, conforme ou

hétérodoxe, entretenue par cet auteur avec son époque, ses pairs et la norme de

l’espace linguistique dans lequel il est inscrit. Interroger la variation lexicale

dans le domaine francophone, c’est immanquablement poser la question des

zones périphériques, où se manifeste volontiers ce que Jean-Marie Klinkenberg

appelle un phénomène de « gauchissement langagier »1. S’opposant plus ou

moins à l’hypercorrectisme, celui-ci consiste en une valorisation de la

marginalité linguistique du sujet, qui s’illustre par l’emploi de « termes du

cru », comme dirait Flaubert, dont l’emploi se limite aux frontières

géographiques de la zone linguistique dominée, mais aussi par toutes sortes

d’écorchements de la norme syntaxique, calembours, hyperboles et autres

surjeux langagiers censés démontrer la vitalité d’une variante dominée à travers

la position de celui qui l’énonce2. Mais si cet écart diatopique à la norme

linguistique est celui qui s’impose quand est traitée la question de la variation

lexicale dans le domaine littéraire, pareils investissements distinctifs se

manifestent également sur les plans diastratique et diachronique.

 

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