Anna MAZIARCZYK, Lecture comme aventure : Les absences du Capitaine Cook d'Éric Chevillard > 109
Toute moderne qu’elle soit, remodelée par l’influence de nouveaux médias,
la culture contemporaine cherche toujours, et peut-être plus que jamais, à
satisfaire le besoin primordial de l’homme concernant l’aventure, l’aventure au
sens large du terme qui ne se traduit pas nécessairement par le déplacement
dans l’espace permettant de pénétrer des mondes inconnus, mais signifie plutôt
cette passion de découvrir des réalités nouvelles qui suscite des émotions aussi
intenses qu’inoubliables. Affichant par des références intertextuelles une
certaine nostalgie des récits qui, avec un élan romanesque, ont développé cette
veine exploratrice, la littérature actuelle cultive bien les mêmes enjeux. Comme
il n’est plus possible d’écrire des textes semblables, ce qui égalerait au
ressassement des vieilles conventions usitées, il s’agit désormais de retrouver
une pulsion narrative sans s’abandonner naïvement au genre traditionnel.
Stimuler l’imaginaire du lecteur, l’entraîner dans une odyssée dramatique, lui
faire vivre des péripéties excitantes, le fasciner par les ailleurs du monde –
voilà l’intention de la littérature qui, pour y parvenir, expérimente de nouveaux
modes d’écriture.
Avec Les Absences du capitaine Cook, Éric Chevillard revient à ce genre
séduisant par son dynamisme et sa vigueur, mais pourtant plutôt délaissé par la
littérature contemporaine, centrée davantage sur les narrations expérimentales,
les structures recherchées et les stylistiques subtiles que sur le simple plaisir de
raconter des histoires passionnantes. Évoquant le mythe des grandes
expéditions de découverte, le texte promet au lecteur un voyage excitant dans
des contrées inconnues et vierges, non explorées par les plus célèbres
voyageurs du monde, tel le vaillant capitaine Cook. La quatrième de
couverture, cet élément du paratexte éditorial supposé constituer une publicité
du livre, précise bien le projet littéraire en question : « De James Cook, dont le
navire The Adventure quitta Plymouth pour les mers australes le 13 juillet 1772,
qui découvrit la Nouvelle-Zélande et Tahiti, navigateur infatigable et digne de
Napoléon pour l'esprit de conquête, affichant d’ailleurs le même petit air fat et
borné, il ne sera pour ainsi dire pas question dans ce livre, comme son titre très
honnêtement nous en avertit. C’est jouer franc jeu. En revanche, comme partout
où le capitaine Cook n’osa s’aventurer par crainte de trop grands périls, on y
rencontrera notre homme, curieux personnage, comme chez lui dans ces
contrées où tout peut arriver ». Après avoir lu cette annotation séductrice, un
lecteur naïf espère plonger dans des univers fabuleux, connus des manuscrits
légendaires, et revivre les aventures des premiers argonautes.
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