CHAPITRE 4 : Oraliture et musicalité

Virginie SOUBRIER, Le silence dans les dramaturgies contemporaines d’Afrique noire et des Antilles > 147

Toujours précieuse pour ressaisir le sens d’un mot, l’étymologie du terme « oralité », du
latin « os, oris », nous rappelle qu’il est fondamentalement lié à une partie très précise du
corps - la bouche -, et aux activités qui lui sont propres comme le baiser, la manducation, la
morsure, ou la parole. C’est dire si cette zone corporelle est propice aux drames… La bouche
est une scène, et l’un des drames les plus forts qui s’y joue est sans doute le passage du silence
à la parole, rendu difficile, voire impossible, en raison d’histoires traumatiques. Comment
articuler « l’innom-mable », pour reprendre le titre du roman de Beckett ? En 2005, pour son
film Afrique, comment ça va avec la douleur ?, Raymond Depardon avait obtenu de Nelson
Mandela l’autorisation de le filmer pendant une minute de silence. Face caméra, le combattant
de l’apartheid se tait. Le temps objectif se dilate pourtant et cette minute silencieuse devient
bruissante de paroles, tant le silence acquiert ici, grâce à la qualité d’écoute du cinéaste et à la
présence unique de Mandela, une force d’adresse qui en fait un grand moment de cinéma.
Depardon, ailleurs si attentif aux récits de vie, a trouvé dans ce silence le plus fidèle
témoignage de la douleur de Mandela. Le théâtre n’a pas les mêmes moyens que le cinéma
pour capter le silence. C’est pourtant bien lui que s’attachent à mettre en forme nombre
d’écritures dramatiques contemporaines d’Afrique et des Antilles. Attachés à la mémoire des
peuples noirs et revendiquant leur appartenance à la diaspora noire, certains de ces auteurs
proposent des dramaturgies dont l’inventivité et la modernité sont dues, selon nous, à leur
intention d’exhiber le silence dans le texte même pour que le théâtre devienne une expérience
à part entière où l’indicible cède la place à l’inédit, à ce qui n’a pas encore été dit, au nouveau.

 

 

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