Gérard JACQUIN

Gérard JACQUIN, La justification d’Yseut > 83

 

Cette longue séquence, qui fait suite au séjour des amants dans la forêt du Morrois et au retour d’Iseut à la cour de Marc, est composée de différents épisodes étroitement liés. En effet on ne peut séparer le serment ambigu d’Iseut, qui vient la clore, des causes même de ce serment, c’est-à-dire des nouvelles exigences des trois barons félons envers la reine. De même l’épisode intermédiaire du Mal Pas prépare le serment et nous en donne la clé. Comme il n’est pas possible d’étudier en détail une aussi longue partie du roman de Béroul, nous nous attacherons surtout à ces trois moments essentiels: les nouvelles exigences des barons félons, la traversée du Mal Pas et le serment d’Iseut.

Le début de ce développement est nettement marqué par une intervention du narrateur, qui manifeste d’emblée son parti-pris hostile aux ennemis des amants:

«Oiez des trois, que Dex maudie!» (v. 3028).

À peine Iseut a-t-elle repris sa place auprès de Marc (depuis moins d’un mois si l’indication temporelle du v. 3031 prend pour référence ce retour d’Iseut à la cour), que les trois barons félons renouvellent leurs accusations ou, plutôt, exigent d’elle qu’elle affirme, par un serment solennel, son innocence. En effet lors d’une chasse, ils prennent à part le roi dans un essart et lui rappellent que la reine ne s’est jamais disculpée par serment de la druerie dont on l’accuse (v. 3048); ils exigent donc ce serment, qu’on appelle escondit, et de façon si insistante que ce substantif ou le verbe escondire sont employés quatre fois dans les quatorze vers que couvre leur intervention. Or ce serment n’est pas une simple formalité, car Dieu est censé punir le parjure. Et si Iseut s’y dérobe, les barons demandent qu’elle soit exilée.

De façon surprenante, parce que c’est la première fois qu’il réagit ainsi, le roi ne marque aucune hésitation: lui qui est si changeant et influençable d’ordinaire1 et qui a suivi, peu de temps avant, les conseils des trois barons en exilant Tristan (v. 2893-2908) – alors même qu’il était près de consentir à le garder près de lui, selon l’avis d’André de Lincoln (v. 2870-2874) – il s’emporte ici contre eux et accueille fort mal leurs propos. Bien plus, quand ils chercheront à apaiser sa colère, il se dérobera à un nouvel entretien ou réitérera ses reproches, allant même jusqu’à les chasser de son royaume (v. 3131), au risque non seulement de perdre de puissants vassaux, mais aussi de les voir se retourner contre lui:

«A lor seignor feront ennui

Se la chose n’est amendee» (v. 3146-3147).

 

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