Katalin HALÁSZ

Katalin HALÁSZ, L’autre dans le même. Quelques cas de dédoublement de personnage dans le Lancelot en prose > 71

 

Méditant sur les traits récurrents de nombreuses séquences narratives du Lancelot, j’ai cru entrevoir quelque incertitude, ou plutôt, un questionnement qui est constamment à l’oeuvre dans notre texte et qui concerne la possibilité d’établir les frontières entre le moi et l’autre. Précisons dès maintenant que l’image de l’autre se dégageant des séquences étudiées n’a rien d’effrayant ou d’absolument étrange; au contraire, elle semble bien familière aux protagonistes comme au récepteur du texte, car elle est étroitement liée à l’image du moi, d’où un sentiment assez persistant de trouble lors de la recherche de la véritable identité des personnages.

Dans l’optique de la confusion entre l’autre et le même, et de la difficile quête de soi, j’ai surtout tenu compte de quelques scénarios récurrents de l’intrigue du Lancelot, comme la reprise du même type d’aventure avec des protagonistes différents ou une même aventure à la recherche de son véritable destinataire. J’ai évidemment accordé une attention particulière à ce que les chevaliers se déplacent et s’affrontent volontiers incognito et, à ce que, de façon plus générale, un personnage n’est pas celui pour qui les autres le prennent ou celui pour qui il se prend. Dédoublement de scènes et d’aventures, dédoublement de personnages, rôles contradictoires attribués à un même personnage, tous ces moyens narratifs ne servent pas seulement à rendre plus variée la trame du récit, mais, par leur fréquence même, ils soulèvent le problème de la personnalité et de ses contours. Je me rallie pleinement à la suggestion d’Alexandre Micha: «Les quiproquos ne sont peut-être pas de simples ‘trucs’ pour rendre piquante une aventure, mais signifient les apparences qui au long d’une existence, cachent la vérité.»

Dans une série d’aventures du IVe volume de l’édition d’A. Micha, Guerrehés, l’un des frères de Gauvain se bat d’abord pour mettre fin à des humiliations qu’un mari jaloux et brutal fait subir à sa femme; dans un deuxième temps, il entreprend le combat contre un chevalier qui veut épouser par force une demoiselle. Guerrehés, ayant vaincu le chevalier trop entreprenant, prend sous sa protection la jeune fille et se dirige avec elle vers un château où elle serait en sécurité. Jusqu’ici rien ne distingue cet épisode de tant d’autres du récit dans lesquels le chevalier partant de la cour d’Arthur excelle dans le beau rôle de défenseur des dames contre l’agressivité sexuelle d’autres chevaliers, étrangers à la cour. Mais la suite de l’aventure prendra un tour qui nous mettra sur la voie de notre problématique. Sur le chemin du château, Guerrehés s’éprend de la jeune fille et présente brutalement sa requête d’amour sous une forme peu courtoise.

 

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