Yves GIRAUD

Yves GIRAUD, De la vie de l’œuvre : la relation conjugale de Molière et d’Armande Béjart > 163

 

Depuis que Molière a des spectateurs, des lecteurs et des critiques, quelque chose dans son oeuvre a retenu l’attention; c’est non seulement la récurrence insistante de certains thèmes en rapport avec la vie conjugale (mariage disproportionné, jalousie, hantise du cocuage, dénonciation de la coquetterie, de la légèreté féminines, mésentente conjugale), mais la similitude assez fréquente que ce spectacle – qui plonge le public dans l’intimité de la vie domestique – présente avec l’existence même de Molière et de sa femme, Armande Béjart.

Y aurait-il donc là davantage que la reprise, l’utilisation de motifs comiques ou dramatiques archi-connus, présents un peu partout? Autre chose qu’une ressemblance, une analogie fortuite entre la fiction scénique et la vérité de l’existence?

Il n’est pas dans les habitudes des auteurs comiques du temps d’étaler leurs «problèmes» sur la scène ou même d’y faire des allusions trop précises. Les Rotrou, Scarron, Quinault, Thomas Corneille, Poisson et autres Dorimond s’en tiennent à une topique qui, dirait-on, ne les «concerne» pas directement, personnellement. Et les esprits les plus avisés ou les plus inquisiteurs n’ont pratiquement rien trouvé dans toutes ces comédies qui puisse fournir tel détail de biographie. Le cas Molière n’en est que plus singulier et exceptionnel.

Mais encore, est-ce de bonne méthode que d’aller ainsi questionner l’oeuvre pour qu’elle révèle quelque chose sur son auteur? On pourrait objecter qu’une telle lecture est abusive et relève d’un biographisme désuet. Généralement, la critique a tendance à suspecter cette démarche et des travaux comme ceux de Pierre Brisson, Molière, sa vie dans ses oeuvres, n’ont guère convaincu, paraissant aventureux, excessifs dans leur projet même.

Or, comme la Vie privée de Molière est relativement mal ou peu connue, malgré le beau livre de G. Mongrédien qui porte ce titre, le champ est ouvert aux suppositions, conjectures, hypothèses ou interprétations tendancieuses. Sans parler des légendes qui foisonnent. Sans parler de la «sacralisation» de Molière chez la majorité des moliéristes – ou «moliérâtres», comme dirait Sylvie Chevalley –, qui crient au scandale, au blasphème dès que l’on prétend toucher à l’image consacrée.

Il convient donc d’être à la fois sans préjugés, critique et prudent. C’est que ce couple n’est pas n’importe lequel. Il a fait parler de lui, il a «focalisé» une attention souvent malveillante; et peut-être aussi, par un mouvement inverse, a-t-on projeté sur lui, sur l’existence réellement vécue, des situations, des comportements, des réactions que l’on avait trouvés dans l’oeuvre.

 

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