Bertrand BOIRON

Bertrand BOIRON, À propos de l’emploi de la particule énonciative « is » dans deux traductions hongroises de Madame Bovary > 71

 

« Is »– présenté comme tantôt conjonction de coordination, tantôt adverbe, connaît dans la langue hongroise une haute fréquence (pas de page sans « is » !) ainsi qu’un très grand nombre de valeurs d’emploi, dont le répertoire dans les bons dictionnaires (par exemple le Értelmező kéziszótár indique 5 valeurs comme conjonction de coordination, 6 valeurs comme adverbe, au total, donc, 11) donne quelque vertige.

Cette polyvalence remarquable pousse par ailleurs à mettre « is » dans une autre catégorie linguistique que celle des conjonctions et des adverbes au sens strict du terme, à savoir celle des « particules énonciatives » (cf. l’expression de M. M. J. Fernandez-Vest : « [la particule énonciative] résiste à toute spécification lexicale », Les particules énonciatives, Paris, PUF,1994, p. 1).

Nous renvoyons à l’argumentation détaillée de M. M. J. Fernandez-Vest à l’encontre des détracteurs de cette notion et touchant son installation au sein des différents types de productions langagières et d’approches linguistiques dans la 1re partie de son ouvrage (ibid. pp. 9-51).

Nous avons pensé qu’un moyen de mettre en évidence le fonctionnement de cette particule pouvait passer par l’examen de traductions hongroises de textes en langue étrangère, puisque, dans son travail, le traducteur se voit certes obligé à la fidélité au texte original, mais il est également contraint de recourir aux traits les plus spécifiques de sa propre langue, s’il veut que le lecteur se retrouve en pays linguistique de connaissance (ce dernier point sera nuancé par les propos de Judit Pór).

Le public hongrois dispose actuellement de deux traductions de Mme Bovary : jusqu’en 1993 la seule traduction « moderne » de Mme Bovary restait celle d’Albert Gyergyai, publiée en 1963. La nécessité de la nouvelle traduction de Judit Pór peut étonner, mais cette dernière a présenté d’excellents arguments dans Könyvvilág au moment de la parution de sa traduction :

– en premier lieu la traduction d’Albert Gyergyai était issue de multiples remaniements de la première traduction hongroise publiée en 1904 par Zoltán Ambrus, même si les « initiés » reconnaissaient la « patte » de Gyergyai.

– en second lieu les traductions vieillissent, car elles sont liées à l’« esprit du temps ».

– en troisième lieu l’idéal de la « bonne traduction » évolue : au fil du temps on est passé de la libre adaptation à la fidélité, et, au-delà de fidélité littérale (limitée à la phrase), à la tentative d’une fidélité plus ambitieuse, faisant intervenir l’intention de l’auteur et la cohérence textuelle.

– en quatrième lieu (mais c’est un corollaire du point précédent), et c’est là un intérêt direct pour la linguistique contrastive, intervient le désir du traducteur de repérer la frontière qui lui permettra d’utiliser une langue authentiquement hongroise tout en restant le plus près possible de la langue de départ.

 

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