Judit BIBÓ

Métamorphoses du discours romanesque : La Princesse de Clèves > 63


Judit BIBÓ, Sur La Princesse de Clèves tout a été dit, ou presque. Déjà au XVIIe siècle, le roman a provoqué un vif débat où la critique soulevait certes bien des faux problèmes mais aussi des questions toujours actuelles. La distance qui nous sépare de ces premières réactions ne fait que mieux le voir : la critique contemporaine, tout en formulant ses réserves voire même ses griefs contre l’oeuvre, était pleinement consciente de la transformation radicale des techniques narratives qu’opérait l’oeuvre anonyme. Malgré les tentatives qui voulaient relativiser l’importance du roman de Mme de Lafayette, les formules telles que « le roman d’avant Mme de Lafayette », « les romans de l’époque classique excepté Mme de Lafayette » qui reviennent constamment sous la plume des érudits ou des scientifiques, prouvent assez bien que l’oeuvre n’a cessé d’être un point de repère pour tous ceux qui se penchent sur les questions du roman. Toutefois, les études basées sur la découverte de l’importance exceptionnelle de La Princesse de Clèves s’inspirent le plus souvent du sentiment de nouveauté et se fixent pour but, la plupart du temps, de prouver ou de formuler en termes de plus en plus précis en quoi consiste cette nouveauté. Ces approches concentrées uniquement sur la rupture avec la tradition devraient donc être complétées par des analyses qui, soucieuses d’équilibre et d’objectivité, essaient de replacer l’oeuvre dans la continuité du développement de l’art du roman. Or, si l’on veut pousser l’analyse en ce sens, il y a une problématique qui se prête presqu’automatiquement à l’examen : c’est l’étude des rapports de l’ancienne rhétorique et le renouvellement des formes romanesques dans cette oeuvre énigmatique. La question est d’autant plus digne d’attention que, depuis l’ouvrage pionnier de M. Kibédi Varga, qui a prouvé combien l’ancienne rhétorique, encore toute vivante à l’époque classique, avait une influence décisive sur tout ce qui se nommait alors « littérature », a accédé depuis au rang des évidences. Cependant, ses textes-exemples sont pris ou bien dans les genres qui ne sont aujourd’hui que d’un intérêt historique (sermons, panégyriques et poésie lyrique du XVIIe siècle) ou dans le genre – toujours actuel – de la tragédie classique. L’auteur suggère en même temps à plusieurs reprises qu’il faudrait élargir le champ des recherches aux genres dits « mineurs » (fables, textes de moralistes de toutes sortes) et surtout au roman, ce genre « sans règle » et « sans frontières » qui cherche à se définir et à se libérer, justement à cette époque, de la tradition peu noble du genre et du parrainage encombrant de l’épopée. Il ne serait donc pas sans profit – nous l’espérons – de poser la question concrètement dans La Princesse de Clèves, ne fût-ce qu’en limitant bien nos réflexions sur deux corpus et un seul aspect de la question : celui de la transformation du discours romanesque au sein de la même oeuvre.


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