Sándor ALBERT

Sándor ALBERT, Réflexions sur l’intraduisible... > 13


Préliminaire

Cinq syllabes, puis sept, puis cinq : c’est peu. Ce n’est presque rien. La concision du microcosme. « Pour les haïkistes, la brièveté n’est jamais une façon de concentrer l’idée. Elle n’est rien d’autre qu’un dire bref » (Coyaud 1978, p. 23). Le haïku, poème japonais d’une extrême concision, se donne pour but en 17 syllabes de nous faire entrevoir l’expérience que le poète a du monde : sa perception d’une voix ou d’un bruit, la présence fragile d’un objet, la course des saisons, le frémissement d’une feuille ou d’un animal, un voyageur sous la pluie, etc. De telles observations suffisent à créer un état d’âme proche de l’éveil, où « le vide prend forme » (Buson 1990, p. 13). « Un haïku ressemble à un croquis à peine tracé, par quelques touches rapides et fuyantes, d’un bout de pinceau fin » (Villard 1985, p. 195). Linguistiquement, de par son extrême concision et sa polysémie, le haïku requiert un emploi très restreint de mots. Pourtant, les poètes occidentaux sont souvent verbeux. À quelques exceptions près :

Les sanglots longs

Des violons

De l’automne

Est-ce que c’est un haïku ? Presque. Cela pourrait en être un. Mais les précisions des trois vers suivants (« Bercent mon coeur / d’une langueur / monotone ») n’apportent rien pour un lecteur japonais. Autre culture, autres traditions, autre vision du monde, autre esthétique, autre conception de la poésie. Le haïku est-il tellement enraciné dans la culture et la philosophie orientales que toute tentative de l’en arracher et le transplanter dans la culture européenne serait, d’emblée, vouée à l’échec ? Le haïku serait-il intraduisible ? Si oui, à quoi servent les efforts multiples et toujours renouvelés des traducteurs ? Si non, alors : peut-on « bien » traduire un haïku ? Peut-on dire qu’un haïku européen reste un haïku ? Après avoir été traduit et transplanté dans une autre culture, dans un autre contexte socio-culturel et ayant perdu son étrangeté, devient-il forcément un poème « original » hongrois, français ou anglais, s’assimilant à la culture-cible ? Autant de questions dont la réponse, si elle existait, conduirait loin.

 

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