Anikó NÉMETH – Miklós PÁLFY

Anikó NÉMETH – Miklós PÁLFY, Le cycle arthurien et le préraphaélisme... > 127

 

L’idéal chevaleresque comme incitation à la révolte

Sans adjectif épithète et introduit par l’article défini, le mot « renaissance » nous évoque en premier lieu la réapparition de certains sujets antiques et un renouveau de la pensée sous l’inspiration de l’Antiquité. Mais que penser de la réapparition des sujets médiévaux, que penser d’une renaissance post-romantique ? Qu’est-ce qui a motivé ces artistes, les préraphaélites, et pourquoi, à s’inspirer des légendes arthuriennes ? Il nous est d’autant plus difficile de répondre à ces questions que, lecteurs et spectateurs de ce début de siècle, nous nous sentons un peu déroutés parmi une multitude de renaissances nostalgiques représentées le plus souvent par des romans et des films d’évasion de faible qualité.

Les renaissances antiques ont toujours la même raison : un besoin impérieux de « restaurer » les valeurs classiques, donc stables et fiables dans un monde ressenti comme bouleversé et corrompu. Par contre, la renaissance des sujets médiévaux reste toujours mystérieuse. Dans la pensée des préraphaélites ainsi que dans leur activité artistique, ce n’est pas une simple irruption de l’irréalité ou de l’irrationalité dans la vie de tous les jours, mais, à l’aide des anciennes légendes britanniques et bretonnes, l’artiste et son public participent à une aventure d’inspiration esthétique dont le but est d’« instaurer » le pouvoir de la beauté dans la société, dans le monde du travail et dans les rapports humains. Il s’agit donc d’une révolte pieuse contre les fausses valeurs de l’ère victorienne, contre une forme de vie mensongère et morne.

Ce qui donne de l’importance aux préraphaélites, précurseurs de l’Art nouveau, c’est que leur mouvement a exercé et exerce toujours une influence non seulement sur la culture anglo-saxonne, mais aussi sur toute la culture européenne, y compris les réadaptations spectaculaires, assistées par ordinateur, de vieilles productions de cape et d’épée – une nostalgie irrésistible de l’aventure et de l’envoûtement.

Chose curieuse : le romantisme français ne porte que très peu d’intérêt aux idéaux du Moyen Âge. La seule exception, c’est Victor Hugo qui choisit un cadre médiéval pour son roman Notre-Dame de Paris (1832). Par contre, le romantisme anglais ne cesse d’évoquer l’esprit du Moyen Âge à travers les siècles. Déjà, l’Ossian de Macpherson (1760) et les ballades recueillies par Th. Percy (1765) satisfont aux mêmes besoins intellectuels. Wordsworth écrit un poème sur Galaad (1798). Le grand poète de l’ère victorienne, Tennyson, rassemble tous les épisodes importants du cycle arthurien dans ses Idylles du roi (entre 1859 et 1885), recueil dont les motifs principaux se retrouvent dans la Défense de Guenièvre, poème de son contemporain, le préraphaélite W. Morris (1858).

Pourtant, il y a une grande différence entre le ton didactique des Idylles du roi et le monde qui se reflète dans la Défense de Guenièvre

où la reine devient le symbole de la révolte artistique des préraphaélites contre le puritanisme victorien ; et la question se pose tout de suite de savoir quel était le rôle que pouvaient jouer les légendes arthuriennes dans cette révolte à la fois esthétique et humaniste, révolte qui a fait de la beauté un principe moral.

 

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