Marie VRINAT-NIKOLOV

Marie VRINAT-NIKOLOV, Le chant de son chant... > 185

 

Méditant sur l’immense héritage poétique que nous a laissé Javorov, Atanas Dalčev, traducteur et poète, écrit : « Quel est l’apport de Javorov à notre culture ? [...] Du point de vue de la forme, ce qu’il a apporté, c’est la musique : une variété encore jamais vue de combinaisons sonores, de tournures et de mouvements verbaux, la syntaxe la plus riche dans notre langue. »

De fait, la musique est un terme clef lorsqu’il s’agit de l’oeuvre de Javorov, c’est à cause de cette musique que ses poèmes posent autant de problèmes de traduction, et de manière générale, la musique est un mot clef en matière de traduction, en particulier de traduction poétique.

Sans vouloir relancer le débat, aussi ancien qu’inépuisable, de la fidélité à l’auteur qu’on traduit, débat illustré par le jeu de mots italien « traduttore, traditore », je voudrais faire remarquer que l’opposition entre « ciblistes » et « sourciers » (pour reprendre les néologismes de Jean-René Ladmiral déjà bien ancrés dans les études sur la traduction) me semble, en réalité, non seulement stérile mais surtout dommageable pour la traduction. Tout au long de ses ouvrages, qui témoignent d’une réflexion aussi profonde que continue sur la pratique de la traduction, Henri Meschonnic invite à dépasser cette dualité (qui rejoint, comme il le fait remarquer, celle du signifié et du signifiant héritée de Saussure) pour se placer dans une poétique du traduire :

La force d’une traduction réussie est qu’elle est une poétique pour une poétique. Pas du sens pour le sens, ni un mot pour le mot, mais ce qui fait d’un acte de langage un acte de littérature.

Dans cette poétique, qui doit embrasser théorie sur le langage et théorie sur la littérature, le maître-mot est le rythme, aussi bien dans le domaine de la poésie que dans celui de la prose.

Et de fait, être un traducteur, lorsqu’on parle de traduction littéraire, cela ne veut pas dire traduire littéralement, mot à mot, une oeuvre donnée, mais saisir la mélodie, la musique propres à un écrivain. La saisir et la recréer avec les moyens dont dispose une autre langue. Cette musique, ce rythme, proviennent non seulement du talent poétique de l’auteur mais aussi de son travail, aussi invisible et souterrain qu’immense, sur la langue même (rythme de la phrase ou du vers, rimes, combinaisons sonores, métaphores, etc.).

Cela ne signifie pas que la poésie soit intraduisible. Plutôt, le traducteur doit admettre avec résignation que le résultat de son travail sera forcément différent de l’original. Il perdra quelque chose mais il gagnera peut-être aussi autre chose, comme viennent nous en convaincre quelques exemples tirés de la littérature.

 

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