Andor HORVÁTH

Andor HORVÁTH, « Qui vénérons les dieux et n’y croyons pas. » Le moi poétique dans les Poèmes saturniens > 43


Imitation et originalité – les jugements que l’on porte sur les Poèmes Saturniens sont souvent fort éloignés, voire contradictoires. « à travers les gauches imitations d’école inévitables – notait Albert Thibaudet –, il est déjà tout entier dans tel sonnet des Poèmes Saturniens : J’ai fait souvent ce rêve étrange et pénétrant ». (Signalons au passage que Thibaudet donne de ce vers une citation inexacte que, chose curieuse, George Poulet reprendra telle quelle.) Selon Albert-Marie Schmidt, dans son premier volume, Verlaine diffère de Mallarmé ou de Rimbaud, qui au moins évitaient « l’imitation parodique », aussi, observait-il :

Dans les Poèmes Saturniens on entend, non sans un léger malaise, résonner les tons les plus variés de la poésie française au XIXe siècle. Le lyrisme enténébré de Hugo y alterne avec les coquetteries démoniaques de Baudelaire, les mélodies grêles et pures de Gautier avec des prosopopées mythologiques ou historiques, étrangement farcies de ces noms propres barbares auxquels Leconte de Lisle réservait une préférence un peu ridicule. On ne saurait y surprendre, sinon dans certaines mélopées, à la cadence un peu boiteuse, au sujet un peu flou, l’annonce de bien séduisantes découvertes.

Enfin, moins sévère, relevant la présence d’un certain nombre d’imitations « tout extérieures » ou de « simples incrustations », Jacques Robichez conclut que Verlaine nous a donné avec les Poèmes Saturniens « une oeuvre équivoque qui n’est pas entièrement caractéristique du génie de son auteur, mais nullement représentative non plus de l’esthétique parnassienne ».

Tantôt échappant de justesse au titre d’« élève pédant » de Leconte de Lisle (Robichez5), tantôt « Villon moderne » et « très grand poète », mais dont « l’originalité se dégage mieux quand on a déblayé de son oeuvre le fatras » (René Lalou6), Verlaine est donc visiblement difficile à classer. Dans un portrait sommaire, tracé avec une sympathie qui peut surprendre, Valéry mettait l’accent sur le moment de son apparition et définissait sa place dans un certain rapport de parallélisme, sinon de complémentarité, avec Mallarmé.

…parus à un tel moment, après tant de maîtres, du vivant même de Victor Hugo et de Baudelaire, et issus de ce groupe du Parnasse […] (ils) durent prendre la suite du jeu. Ils furent conduits, chacun selon sa nature, l’un à renouveler, l’autre à parfaire notre poésie antérieure.

Selon sa nature donc, c’était à Mallarmé d’« envisager le problème littéraire dans son entière universalité », tandis que Verlaine, « tout le contraire », « se propose aussi intime qu’il le puisse » et ce faisant, accepte, ajoute Valéry, que « son vers, libre et mobile entre les extrêmes du langage, ose descendre du ton le plus délicatement musical jusqu’à la prose, parfois à la pire des proses ».


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