János KOROMPAY

János KOROMPAY, Une métamorphose hongroise de L’Aube spirituelle (Baudelaire et Kosztolányi) > 61


La critique, unanime, considère L’Ivresse de l’aube, (en hongrois Hajnali részegség, traduit par Michel Manoll sous le titre Le Vertige de l’aube) comme un des chefs d’oeuvre de Kosztolányi. Publié en 1935 dans son dernier recueil, un an avant la mort du poète, ce texte, remontant aux premiers poèmes, synthétise une sensation existentielle dans une vision de la terre et du ciel, une révélation du secret de la vie qui, avant de disparaître, montre sa dimension cosmique. On se propose ici d’en donner une lecture particulière : il nous semble en effet possible d’y découvrir quelques correspondances avec Les Fleurs du Mal. Dans un premier temps je voudrais présenter brièvement le point de départ de ces commentaires, pour ensuite comparer certains motifs de L’Aube spirituelle de Baudelaire avec ses autres poèmes traduits par Kosztolányi ; enfin, je confronterai ce sonnet avec L’Ivresse de l’aube, pour mettre au jour, malgré d’évidentes différences de longueur et de composition, un ensemble de réminiscences baudelairiennes chez Kosztolányi.

1) La présentation poétique du point de vue universel et surhumain de l’introspection de la poésie hongroise nous permet d’étudier les différents éléments d’une méditation lyrique. Le moment est nocturne, la situation est celle de la vive inquiétude d’une brusque et mystérieuse reconnaissance. C’est l’expérience de l’état de veille de celui qui, en interrompant son travail à trois heures de matin, est incapable de trouver le sommeil, la représentation de son tâtonnement ivre, de sa contemplation, de son regard sur le monde qui dort aveuglément, sur le réveille-matin qui est là comme un avertissement, et sur le miracle des étoiles qui, témoins intemporels du passé, évoquent l’enfance et la vie révolue. La lueur de l’aube apparaît comme un bal dans le ciel, organisé par un seigneur qui dit adieu à la société réunie, et ce spectacle extraordinaire de l’infini déchiffre le grand secret : dans l’extase de l’interprétation de ce crépuscule l’homme commence à chanter à l’azur sa reconnaissance, remerciant d’avoir été l’invité d’un grand seigneur inconnu.

L’histoire littéraire a soigneusement examiné les antécédents de ce poème dans l’oeuvre de Kosztolányi, étudiant l’évolution de chacun des éléments qui composent ce grand tableau final. Dans ses poèmes antérieurs, on retrouve les moments bouleversants de la méditation nocturne et du sentiment d’être arraché au ciel, de la veille et du spectacle du monde qui dort, du souvenir de l’enfance et des questions existentielles sur la disparition. C’est le gouffre de l’agonie qui s’oppose aux étoiles qui s’éteignent et le bonheur d’autrefois n’apparaît que dans une perspective céleste. Ces textes nous permettent de supposer qu’il s’agit d’un univers poétique original qui a pour base philologique tout une série de signes sur la formation autochtone d’un art individuel et personnel.


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