Krisztina KÁDÁR

Krisztina KÁDÁR, Le Québec et le romantisme > 51


La littérature française a passé depuis quelques siècles par une série d’étapes bien caractérisées, qui sont connues : l’âge baroque, le classicisme, l’âge des Lumières, le romantisme, le réalisme et ainsi de suite. L’histoire de la littérature française est jalonnée de phénomènes d’écoles littéraires, de doctrines, de manifestes qui ont eu une influence décisive sur leur orientation. La pratique littéraire en France a constamment sécrété sa propre théorie et, par là, elle n’a jamais rompu les ponts avec les manifestations idéologiques plus conceptuelles que constituent la philosophie et, plus généralement, la pensée française. Même à travers les ruptures et les recommencements, il y a malgré tout le respect de la continuité et un souci de constituer des échanges, des dialogues. Au Québec, rien de comparable. Bien entendu, il y a eu des écoles littéraires, mais elles n’ont comme principe de cohésion qu’un lieu et qu’une époque. Il est donc impossible de construire la représentation de la littérature québécoise à partir d’un corpus de doctrines littéraires autochtones. La littérature du Québec ne peut donc pas s’expliquer en termes de romantisme, de symbolisme ou de réalisme, mais « en termes de combat contre l’informe et d’appropriation graduelle, lente et pénible mais continue d’un langage et d’une existence.

Cette citation d’un critique québécois contemporain de grande renommée me sert, d’une part, à démontrer le désir encore et toujours présent d’auto-définition par la différentiation et, d’autre part, à souligner l’attitude simplificatrice qui caractérise l’approche de la culture de référence – celle de la France.

Une telle attitude, adoptée d’ailleurs par bien d’autres critiques, semble négliger le caractère hétérogène et conflictuel de la culture de la mère-patrie. Le complexe d’infériorité qui en résulte a lourdement pesé sur la relation de la critique québécoise avec sa propre culture ; elle a pour longtemps – jusqu’à la fin des années 1980 – déterminé le statut de la littérature québécoise et donc aussi l’étude des courants et des mouvements littéraires, dont le romantisme.

L’auto-définition – individuelle et collective – par la comparaison et la différentiation caractérise en général les « collectivités neuves ». Elle est considérée comme une étape nécessaire, la dernière phase de la naissance d’une culture autonome. Prolongée, cette première étape peut aisément engendrer des distorsions dans la perception de soi et des autres. Preuve en est, outre l’extrait cité, la persistance, jusque les années 1980, de l’opinion selon laquelle la littérature québécoise du XIXe siècle n’a connu le romantisme que tardivement et n’en a produit que de pâles imitations. Cette opinion est aujourd’hui contestée. Elle repose sur le postulat que la littérature québécoise devait se développer d’après le modèle français et que tout retard ou écart signifiait une dégradation.

 

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