Alain ROGER

Alain ROGER, Huysmans. Une « esthétique du cloître » > 7

 

La renommée posthume de Huysmans -– il sort à peine d’un injuste purgatoire – a souffert de son catholicisme, tardif et suspect d’esthétisme, même aux yeux de ses proches. On n’a pas cru à cette conversion des années 1890, passablement laborieuse, d’ailleurs : elle n’a pas eu 1’éclat d’une illumination claudelienne. Alors, connaissant le, ou plutôt les personnages, de Folantin à Durtal, en passant par des Esseintes, on s’est persuadé que cette conversion n’était, sans doute, qu’un nouvel avatar esthétique de Huysmans, une sorte de « reconversion », non dénuée d’arrière-pensées littéraires. Soit ; mais cela montre justement qu’il n’y a pas eu de véritable rupture dans l’itinéraire spirituel de Huysmans, que son adhésion difficile au christianisme ne contredit pas fondamentalement le pessimisme schopenhauérien de la décennie précédente et que ce « naturalisme spiritualiste », qu’il prône à partir de 1891, prolonge, dans une autre dimension, celui de sa période naturaliste : « Il faudrait, en un mot, suivre la grande voie si profondément creusée par Zola, mais il serait nécessaire aussi de tracer en l’air un chemin parallèle, une autre route, d’atteindre les en deçà et les après, de faire, en un mot, un naturalisme spiritualiste ; ce serait autrement fier, autrement complet, autrement fort ! »

Dès le début des années 80, articles et romans trahissent une étrange obsession du sacré. « M. Gustave Moreau est un artiste extraordinaire, unique. C’est un mystique enfermé, en plein Paris, dans une cellule où ne pénètre même plus le bruit de la vie contemporaine qui bat pourtant furieusement les portes du cloître. » Il en va de même pour Félicien Rops, qui, à la différence de ses pâles contemporains, a compris que « toute oeuvre doit être satanique ou mystique » et, dans son « élan vers 1’extranaturel de la salauderie », a « célébré ce spiritualisme de la Luxure qu’est le Satanisme, peint, en d’imperfectibles pages, 

le surnaturel de la perversité, 1’au-delà du Mal. » Mais, surtout, la réclusion de des Esseintes, 1’esthète schopenhauérien de 1884, anticipe étrangement 1’apologie des couvents et, plus précisément, du « couvent d’art », ce « je crois au cloître », qui sera le credo de Durtal, 1’écrivain chrétien de la dernière période. Il reste qu’une conversion s’est produite, qui a mené Huysmans d’une esthétique athée et moderniste à ce qu’on pourrait appeler, d’un néologisme, une mysthétique anachronique, puisque obsédée d’art médiéval.

 

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