Yann FOUCAULT

Yann FOUCAULT, Péguy, un poète polémique > 161

 

« Pour mieux montrer les cent aspects de son idée, il se fait aussi poète ». Si l’on en croit Alain-Fournier décrivant Péguy à trente-cinq ans, au moment où, après quinze ans de chronique politique passionnée, le pamphlétaire anarchiste se transforme en poète catholique, la poésie de Péguy tire son essence de la réflexion politique. C’est assez surprenant pour un contemporain du crépuscule du symbolisme, pour un poète qui vient après Mallarmé et sa poésie pure. Certes, Péguy était, par profession, un journaliste engagé et un polémiste. Mais il est étonnant que, dans sa poésie même, poésie qui rayonne de lyrisme, les traits polémiques surgissent en abondance et, semble-t-il, comme des cheveux sur la soupe.

Serait-ce, comme le suggère la formule d’Alain-Fournier, que ces accès subits de polémique s’enracinent dans une réflexion qui parcourt en profondeur tout poème de Péguy ? Mais même si c’est le cas, se présente une difficulté d’ordre stylistique : la polémique, c’est-à-dire l’attaque, est souvent triviale. Qu’elle soit ironique ou injurieuse, elle vise à rabaisser un adversaire. Elle est donc tout le contraire du lyrisme qui, lui, est fait de célébration et d’élévation. Comment la polémique peut-elle donc s’accorder au lyrisme, notamment au lyrisme de Péguy, qui est d’inspiration chrétienne ?

Prenons pour commencer un des poèmes les plus célèbres de Péguy et qui fut pendant quelques décennies, des années trente aux années soixante, présent dans tous les manuels scolaires français. Il s’agit d’un passage d’Ève, long poème composé en 1913. Le passage en question, connu par son incipit : « Heureux ceux qui sont morts... » est traditionnellement lu comme une exaltation de la mort pour la patrie. C’est encore ainsi que l’interprète Finkielkraut dans son livre sur Péguy paru en 1991, Le Mécontemporain.

 

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