Barbara MIKLÓS, La rencontre du « Réel » dans Parfum exotique de Baudelaire > 303
La poésie baudelairienne – terrain énigmatique, ténébreux, glissant – demeure particulièrement séduisante pour les critiques littéraires. Certains estiment qu’on a déjà tout dit: d’innombrables études, analyses, biographies et monographies ont paru depuis plus d’un siècle. Mais cette poésie n’arrête pas de solliciter l’esprit du lecteur – qu’il s’agisse du critique ou du «lecteur naïf» –, et elle nous invite sans cesse à des aventures nouvelles: elle nous entraîne tantôt «par delà les confins des sphères étoilées» ou «dans les caveaux d’insondable tristesse», tantôt «dans l’alcôve obscure des souvenirs dormants» ou «dans les féeriques palais», tantôt là «où la vie afflue et s’agite sans cesse».
La présente étude n’est autre chose qu’une lecture personnelle de Parfum exotique – basée sur la critique littéraire psychanalytique, et en particulier sur les théories de Jacques Lacan.
Dans la théorie psychanalytique le «processus littéraire» est lié au concept de la «représentation»: «[…] l’activité de représentation – c’est-à-dire la mise en scène, la dramatisation – est à l’origine d’un large éventail de phénomènes humains, qui vont du rêve et du fantasme à l’art en passant par les mythes et les représentations culturelles, les jeux – sacrés et profanes – jusqu’aux jeux de mots et aux mots d’esprit». La représentation est magnifiquement illustrée par Freud observant son petit-fils qui se dédommage du départ de sa mère en jouant avec une bobine, et met en scène cette même disparition et ce même retour avec des objets à sa portée, pour maîtriser l’absence de la mère. «Le poète est comme l’enfant, qui joue, puisqu’il se crée un monde imaginaire, qu’il prend au sérieux. Or l’adulte remplace le jeu infantile par la fantaisie qui consiste à se créer des substituts, et à jouer avec, dans une sorte de rêve […]»
Ce principe introduit le discours poétique au centre des recherches psychanalytiques: il s’agit de «jeter un flot de lumière dans le domaine de la science littéraire et dans la psychologie des artistes». Il convient pourtant de ne pas oublier l’avertissement de Freud: cependant que «sur quelques problèmes qui se nouent à propos de l’art et des artistes, la manière de voir psychanalytique donne des éclaircissements satisfaisants, d’autres lui échappent complètement».
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