Marie Madeleine FRAGONARD

Marie Madeleine FRAGONARD, L’amour passion et les métaphores scientifiques > 151

 

On peut mesurer l’évolution et l’influence de la science aux textes de ses penseurs. On peut aussi les mesurer au bricolage d’adaptation qui en est l’indice dans les genres non-scientifiques. Il n’est pas nécessaire de comprendre pour utiliser! Ce type de travail rentre dans le cadre d’une réflexion plus vaste débutée dans le cadre du MA-REN-BAR(groupe de recherche Moyen Âge – Renaissance – Baroque) à Montpellier III sur les «transferts de thèmes» et le pillage auquel se livrent les différents domaines littéraires et idéologiques pour se renouveler. Chacun annexe au passage tout type de prestige, de l’ancienneté comme de la nouveauté, et l’annexion justement nous révèle le prestige de ce qui est emprunté, car nous ne connaissons pas de cas d’enlaidissement volontaire, sauf de type parodique. Nous sommes partis d’une hypothèse globale, qui est la mise au pillage du domaine religieux, tant pour le domaine bien polémique de la politique que pour le domaine très rebattu de la poésie amoureuse. Or les poètes ont fait de l’idolatrie, du martyre, de la divinité et des beautés célestes un emploi si abondant que ce qui devrait passer pour surenchère finit par n’être plus que le minimum exigible d’un poète débutant pour des amours conventionnelles. Que faire pour avoir l’air d’aimer vraiment? Que faire pour écrire de façon originale?

Notre hypothèse subsidiaire sera alors que là où le prestige de l’ancienneté et du sacré ne peut aller, il faut le prestige mondain et moderne de ce qui est matériel, corporel, médical, chimique, «méchanique». Là où l’abstraction théologique ne caractérise pas, il faut emprunter à ces sciences de l’expérience, parce qu’en somme l’amour est une expérience si on s’en tient à sa propre subjectivité (ce qui réhabilite le JE). Là où la loi de la rencontre élective ne se vérifie pas, il faut emprunter à ces sciences de la nécessité et de la loi matériellement inscrite, parce qu’en somme l’amour est une passion, une chose dont on ne maîtrise pas le déroulement (fléau, peste, blessure) et que la loi matérielle peut valablement se substituer à la figure religieuse du destin pour dire l’impuissance humaine.

Mais la question qui en résulte est la capacité du lecteur à comprendre, et à intégrer - et à quel prix pour sa lecture - la nouveauté, la coexistence ou la substitution d’univers mentaux disparates.

 

Pour lire la suite de cet article veuillez consulter le pdf ci-dessous.

PDF download: