Milica VINAVER-KOVIĆ

Milica VINAVER-KOVIĆ, Le lecteur dans Jacques le fataliste et son maître > 153


On connaît l’admiration que Diderot avait pour le romancier anglais Richardson. Dans son Éloge de Richardson, Diderot définit le roman de l’époque précédente comme « un tissu d’événements chimériques et frivoles dont la lecture était dangereuse pour le goût et pour les moeurs », à la différence des ouvrages de Richardson où l’on « prend, malgré qu’on en ait, un rôle, on se mêle à la conversation, on approuve, on blâme, on admire, on s’irrite, on s’indigne. » Il loue donc le pouvoir de persuasion que cet auteur exerce sur son lecteur, l’effet de vérité, l’illusion durable qui tient au fait que le lecteur a l’impression d’avoir lui-même participé à l’action et acquis de véritables expériences. Dans l’analyse qui suit l’extrait cité, Diderot découvre les secrets de la bonne recette richardsonienne à partir de sa propre expérience de lecteur. C’est que la valeur esthétique d’une oeuvre se mesure par son effet sur le récepteur, par l’expérience esthétique et morale de celui-ci, et non par d’autres critères tant recommandés dans les poétiques classiques. Cette conception diderotienne n’a rien de nouveau à l’époque, bien évidemment, mais nous la signalons comme caractéristique de l’importance que notre auteur accorde à ce troisième pôle du processus littéraire qu’est la réception. À la fin de l’Éloge, néanmoins, Diderot avoue n’avoir jusqu’alors rien tenté de semblable « qui puisse [le] recommander aux temps à venir », à savoir qu’il n’a pas profité de ladite recette.

Il n’en a pas moins rédigé un bon nombre de contes et romans qui passent pour innovateurs, se distinguant du profil que ces genres accusent dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Quelle est donc la recette diderotienne concernant la fiction narrative ? Comment Diderot veut-il produire de l’effet sur son lecteur ? Pour répondre à cette question, nous nous intéresserons ici en premier lieu à son roman le plus connu et le plus commenté, Jacques le fataliste et son maître.

 

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